Maison close

J’ai commencé ce travail à l’aube des années 90, j’habitais alors un pavillon de banlieue et j’avais envie de travailler photographiquement sur les notions de vide mais aussi d’espace clos, d’enfermement ou plutôt et déjà de confinement, tout cela n’était pas encore très clair dans ma tête. Ça allait peut-être le devenir en travaillant. 


Alors j’ai vidé et repeint en blanc tout l’intérieur de ma maison et puis je l’ai photographié de manière très traditionnelle, chambre d’atelier, 4 x 5 inches, cadrage vertical, noir et blanc, zone système, du moins ce que j’en savais. 


Entre la peinture, la prise de vue, le traitement et le tirage, ce travail m’a pris une bonne quinzaine de jours. Je l’ai vaguement montré, puis classé, rangé et archivé, puis, appelé à des tâches plus rémunératrices je l’ai plus ou moins oublié. Je dis plus ou moins car ça n’a jamais quitté mon esprit jusqu’à… 


Jusqu’à mon déménagement et l’arrivée du numérique… Dans l’idée de résister désespérément contre le temps, idée partagée par la plupart des photographes et que je revendique totalement y compris avec ce travail, j’ai alors décidé de numériser mes négatifs. Cette simple manipulation technique a révélé en moi, l’idée toujours tenace de décrire ce vide, cette absence, ce confinement, ce rien, en y apportant une nouvelle strate. Décrire l’origine même de la description, le négatif. 


Pas une simple reproduction, une vraie description de l’objet, dans sa pochette de protection, dans sa transparence et en dehors de l’esthétique qu’apportera le tirage. 


Je présente ici une sélection d'images en vis à vis, elles sont aujourd’hui indissociables, intimement liées l’une à l’autre et au de là des notions évoquées ci-dessus, je montre en fait ici ma philosophie de la photographie, un merveilleux moyen de description de ce qui nous entoure au travers de nos préoccupations, nos étonnements comme nos angoisses les plus profondes. Un extraordinaire moyen de décrire la fatuité de nos existences, un extraordinaire moyen d’espérer laisser une infime trace de ce que nous avons vu, un extraordinaire moyen de lutte contre l'oubli du temps.

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